De nouvelles livraisons à Kiev d’une «quarantaine» de missiles Scalp. Le chef de l’Etat Emmanuel Macron a annoncé mardi soir que la France allait continuer à soutenir militairement l’Ukraine, via des Scalp-EG donc, mais aussi «plusieurs centaines de bombes», des AASM, «pour ne pas laisser gagner la Russie». Les 40 Scalp «seront prélevés sur le stock français», précise à 20 Minutes un officier de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE).
20 Minutes s’est penché sur ces fameux missiles longue portée Scalp, et vous dit ce qu'il faut savoir de leurs capacités, et pourquoi ils sont si attendus par les forces armées ukrainiennes.
Qu’est-ce que le Scalp?
Le missile Scalp-EG, pour Système de croisière autonome à longue portée et d’emploi général, dénommé «Storm Shadow» dans sa version anglaise, est un missile longue portée développé en collaboration franco-britannique par lemissilier européen MBDA. «C’est un missile de frappe dans la profondeur, tiré chez nous depuis un chasseur Rafale ou Mirage 2000-D», explique à 20 Minutes un officier de l’AAE.
En «profondeur», cela veut dire que l’on peut «tirer ces missiles avec une certaine distance de sécurité, de l’ordre de 300km ou plus, depuis un avion de chasse, pour aller pénétrer des territoires ennemis défendus par des missiles sol-air», poursuit l’officier de l’armée de l’Air.
Quel type de cibles est visé par les Scalp?
Capable d’emporter une charge explosive de 400kg, le Scalp est aussi extrêmement précis. «On est en mesure de cibler un objectif de l’ordre du mètre, précise l’officier de l’AAE, ce qui nous permet de déterminer très précisément à quel endroit on souhaite que la charge détonne. En général, il est utilisé pour des objectifs de type"durcis", c’est-à-dire des bunkers ou des bâtiments importants, et des cibles à "haute valeur ajoutée".» Cette précision est rendue possible grâce à une trajectoire avec guidage GPS, et un capteur qui permet de faire de la reconnaissance infrarouge.
Furtivité
Le Scalp est aussi réputé pour sa discrétion. «Sa forme particulière et la nature de son revêtement lui confèrent une certaine furtivité, même si rien n’est jamais totalement furtif, explique l’officier de l’armée de l’Air. Le Scalp a été optimisé pour atteindre une certaine discrétion, l’objectif étant de retarder au maximum sa détection par un radar adverse, laisser le moins de temps possible à l’ennemi pour réagir, ce qui va ainsi permettre au missile de transpercer les lignes adverses et frapper son objectif.» L’autre atout de cette arme est sa capacité à évoluer en basse altitude, «de l’ordre d’une centaine de mètres d’altitude.» «Plus on est bas, plus on bénéficie des "masques" que représentent les vallées, les arbres, les bâtiments, face aux radars adverses.»
Dans quels cas ont-ils été utilisés par l’armée de l’Air française?
«Nous l’avons utilisé pour la première fois en Libye en2011, avec des Rafale et des Mirage 2000-D, pour attaquer des centres de commandement», explique l’officier de l’AEE. Il a aussi servi au cours de la mission Hamilton en Syrie, dans la nuit du 13 au 14avril 2018, une opération sous commandement de la France pour détruire le stock d’armes chimiques de Bachar Al-Assad. «Un raid avait été mené suite aux attaques chimiques de Bachar Al-Assad, par les Etats-Unis, les Britanniques et les Français, au cours duquel une frappe simultanée de deux Scalp a été effectuée.» L’armée de l’Air ajoute que le Scalp a aussi «pas mal servi» au cours de missions dans le cadre de l’opération Chammal contre des centres d’entraînements ou des dépôts logistiques de Daesh.
S’agit-il des premiers Scalp livrés par la France à l’Ukraine?
Non. L’Ukraine avait obtenu de la France ses premiers missilesScalp au cours de l’été2023. Au mois d’août, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait d’ailleurs dédicacé un missile Scalp-EG en y écrivant "Gloire à l’Ukraine" (en ukrainien), relate le site spécialisé Air et Cosmos. Le missile était fixé sous l’aile droite d’un bombardier Su-24M Fencer des Forces aériennes ukrainiennes, qui était aussi équipé d’un second missile Storm Shadow livré par le Royaume-Uni.
🇺🇦🇨🇵|🇷🇺 Un missile de croisière SCALP-EG livré à l'#Ukraine par la #France fixé a un SU-24M ukrainien signé par Volodymyr #Zelensky.#UkraineRussianWar #Russia #UkraineRussiaWar #UkraineWar pic.twitter.com/bfwHv5dnB3
— C'est Carré 🟩 (@Cest__Carre) August 6, 2023
En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.
Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies
«Il a fallu effectuer une adaptation technique sur les porteurs ukrainiens Soukhoï pour leur permettre d’embarquer des Scalp », précise l’officier de l’AEE à 20 Minutes. « Même si cette adaptation leur fait perdre un peu en flexibilité, ils ont exactement les mêmes effets que s’ils étaient tirés depuis un chasseur français», assure-t-il.
Cette livraison sera-t-elle suffisante pour aider l’Ukraine?
«Le missile Scalp est très apprécié par les forces armées ukrainiennes pour ses capacités, et il leur sera très utile», confie Cédric Perrin, sénateur LR du Territoire de Belfort, et président de la commission des affaires étrangères et de défense au Sénat. L’élu s’était rendu à Kiev au mois de décembre, où il avait notamment rencontré le ministre de la Défense ukrainien.
«Cette livraison de 40 Scalp est une bonne nouvelle et je salue l’effort qui a été fait, poursuit l’élu. On peut toujours penser que 40 c’est insuffisant, mais il s’agit de matériel technologiquement très abouti, qui va éviter de tirer des dizaines et des dizaines de missiles, et de faire mouche en une fois.»
En revanche, Cédric Perrin prévient que «sur ces sujets-là, on ne peut pas s’amuser à faire de la com: on s’adresse à un pays qui est en guerre et qui manifeste une forte attente de soutien. Si on promet, on donne.» A l’approche du deuxième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un rapport de la Commission des Affaires étrangères du Sénat appelle par ailleurs la France à «passer à la vitesse supérieure» dans son aide militaire à l’Ukraine. «Nous ne sommes pas au rendez-vous, déplore Cédric Perrin. Par exemple nous ne fabriquons que 20.000 obus de 155mm par an, il faudrait augmenter considérablement la cadence.» «Les Ukrainiens se battent pour nous, il faut donc leur livrer du matériel», exhorte-t-il.